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Protéomique : Enjeux et perspectives



​Le Protéome d’un échantillon biologique donné correspond à l’ensemble des protéines présentes dans cet échantillon. Les méthodes qui permettent d’accéder à la connaissance des protéomes constituent la Protéomique.

Publié le 20 janvier 2009

En 1992, la Direction des Sciences du Vivant a créé à Grenoble le Laboratoire de Chimie des Protéines. Fortement soutenu par le CEA, puis quelques années plus tard par l'Inserm, Rhône-Alpes Génopole et l’Université Joseph Fourier, ce Laboratoire participe au développement de la Protéomique en "creusant son sillon" dans ce nouveau domaine porteur de tant de promesses. Le Laboratoire, rebaptisé récemment "Laboratoire d'Étude de la Dynamique des Protéomes" (EDyP), est une unité de recherche mixte CEA/Inserm/UJF qui compte aujourd’hui une trentaine de personnes. La diversité de "culture" de ces personnes (biologistes cellulaires, biochimistes, biologistes moléculaires, spécialistes de spectrométrie de masse, informaticiens, bio-informaticiens) s'avère être un atout majeur pour proposer des approches innovantes dans un domaine prometteur actuellement en plein essor.

Pourquoi étudier les protéomes ?
Comprendre le « Vivant » nécessite de connaître les acteurs des mécanismes moléculaires qui régissent les grandes fonctions cellulaires. Parmi ces acteurs se trouvent les protéines et l’ADN. Un lien existe entre ces deux types de macromolécules : en effet, l’ADN est le matériel héréditaire de la cellule ; il contient les gènes. La séquence d’un gène « code » une protéine particulière. Chaque protéine est donc le produit de l’expression d’un gène (voir l’illustration de l’article de Christophe Masselon).











À l’heure où séquencer un génome (c'est-à-dire étudier l’ADN qui le constitue) est devenu très accessible, on peut se poser la question de la pertinence de l’étude des protéines ; pourquoi ne pas se limiter à l’étude des gènes ? Un élément de réponse à cette question réside dans une constatation simple : deux animaux aussi différents qu’une grenouille et un têtard ont exactement le même génome ! En fait, des gènes distincts s’expriment chez la grenouille et le têtard, conduisant à des protéomes différents. Cet exemple illustre le fait que, si la connaissance du génome d’un organisme permet d’avoir accès à des quantités d’informations considérables, l’analyse du protéome apporte des données complémentaires ; ces données sont indispensables pour aider les Biologistes à comprendre les mécanismes qui régissent le « Vivant ».

Qu’est-ce qu’une protéine ?
Les protéines sont des polymères constitués de motifs élémentaires appelés acides aminés. Vingt acides aminés différents existent ; une protéine correspond à une combinaison unique de ces acides aminés arrangés dans un ordre précis ; on parle de « séquence » en acides aminés de la protéine. Les protéines ont des tailles variables (quelques dizaines d’acides aminés à plusieurs milliers) et des propriétés physico-chimiques très hétérogènes : par exemple, les protéines localisées dans les membranes des cellules sont riches en acides aminés hydrophobes ; les protéines qui se lient à l’ADN sont, elles, très basiques. En fonction de sa séquence en acides aminés, chaque protéine adopte une structure tridimensionnelle unique et remplit une fonction qui lui est propre. À Grenoble, l’Institut de Biologie Structurale (IBS) étudie la structure des protéines.

Émergence et Enjeux de la Protéomique
Depuis la fin des années 50, l’analyse de la séquence en acides aminés des protéines était réalisée par voie chimique (dégradation récurrente d’Edman). Vers le milieu des années 90, l’émergence de spectromètres de masse adaptés à l’analyse des protéines et peptides, couplée à la croissance exponentielle des informations contenues dans les banques de données, a révolutionné le domaine de la microanalyse des protéines. En particulier, pour ce qui concerne l’identification des protéines, des facteurs de 1 000 à 10 000 ont été gagnés ces dix dernières années à la fois en termes de sensibilité et de débit d'analyse. Ces performances ont permis, et continuent de permettre, de « revisiter » des pans entiers de la biologie.

Les enjeux de la Protéomique sont de taille. En effet, que l’on parle de récepteurs, de protéines structurales, de transporteurs, d’enzymes, les protéines sont, en tant que produits finaux de l’expression des gènes, les acteurs essentiels des mécanismes moléculaires sur lesquels reposent les grandes fonctions cellulaires. L’analyse de ces grandes fonctions passe nécessairement par l’identification des protéines impliquées ; la protéomique apporte les moyens de dresser ces inventaires. L’ambition de projets de type protéomique repose à la fois sur le très grand nombre de protéines qu’il est possible d’analyser et sur la capacité d’identifier les protéines peu abondantes de la cellule. Ainsi, à l’image des études utilisant les « puces à ADN », les informations fournies par les études protéomiques permettent d’appréhender les mécanismes cellulaires dans leur globalité et non plus de façon partielle. Le but de cette approche holistique consiste à avoir une vision plus juste du fonctionnement des cellules et des organismes.
Outre leur capacité à identifier les protéines, les techniques utilisées dans le cadre d’analyses protéomiques permettent également d’identifier et localiser d’éventuelles modifications post-traductionnelles (phosphorylation, glycosylation, ...) portées par les protéines. Ces modifications jouent un rôle essentiel dans la transduction des signaux reçus par la cellule. À Grenoble, plusieurs équipes de notre institut étudient les mécanismes d’action de d’enzymes (les kinases) capables de phosphoryler des protéines cibles Des inhibiteurs de ces kinases sont activement recherchées pour lutter contre certains cancers (voir La chimie inorganique, source d'agents thérapeutiques? de Claude Cochet).

Ainsi, la protéomique représente aujourd’hui un outil extraordinairement puissant qui peut être utilisé tant au niveau de travaux de recherche fondamentale qu’au niveau d’études appliquées en biologie, médecine et agriculture.

La Protéomique du futur
Il ne fait guère de doute que l'histoire de la Protéomique ne fait que commencer. Ainsi, alors que la cellule est une structure hautement dynamique, l’étude de la dynamique du protéome (disparition et/ou modifications de certaines protéines, apparition de nouvelles protéines) n’en est qu’à ses balbutiements. Ce type d’étude fournira des informations extrêmement précieuses en permettant d’appréhender, au niveau moléculaire, la manière dont la cellule réagit à son environnement. Pour relever ce challenge, de nouvelles méthodes d'analyse protéomique sont en train d'émerger (voir l’article de Christophe Masselon) ; ces méthodes permettront d'aborder la complexité des mécanismes moléculaires sur lesquels repose cette dynamique. La volonté de EDyP est d’être très présent dans ce domaine en développant des approches innovantes ; celles-ci seront rendues accessibles à la communauté scientifique, académique et industrielle, par le biais de la plate-forme EDyP-Service (voir l’article de Lauriane Kuhn).

Les données qui résulteront de ces études apporteront des informations précieuses pour le développement de la « Biologie des systèmes » ; dans ce contexte, des découvertes verront le jour grâce aux efforts qui seront faits pour caractériser un système biologique en produisant, structurant, et intégrant différents types de données (voir l’article de Christophe Bruley). C’est cette intégration qui nous permettra de proposer de nouvelles hypothèses sur le fonctionnement de systèmes biologiques de plus en plus complexes, hypothèses qui pourront ensuite être confrontées à l’expérimentation, l’ensemble de ce processus pouvant être itératif.

Dans le domaine de la santé, des espoirs justifiés reposent sur la Protéomique pour la recherche de nouveaux biomarqueurs de pathologies qui permettraient de détecter de façon très précoce certaines maladies à partir de prélèvements peu invasifs, ou de suivre l'efficacité d'un traitement thérapeutique en contrôlant l'évolution de marqueurs protéiques spécifiques dans les fluides biologiques. Sur ces thématiques, au CEA/Grenoble, des interactions existent entre EDyP et plusieurs équipes du DTBS ; nous cherchons à les renforcer.

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