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Retour sur le Nobel



​Le prix Nobel 2011 de Physiologie et Médecine attribué à Bruce Beutler, Jules Hoffmann et Ralph Steinman, récompense les résultats de trois laboratoires de recherche travaillant sur les mécanismes d’activation de la réponse immunitaire innée et adaptative.

Publié le 26 octobre 2011
L’immunité innée, première ligne de défense d’un organisme contre les micro-organismes pathogènes, consiste au déclenchement de processus physiologiques qui permettent de reconnaître et d’éliminer rapidement ces micro-organismes. Chez les mammifères, les cellules de l’immunité innée sont aussi capables de transmettre des informations moléculaires sur les pathogènes rencontrés, permettant leur « mise en mémoire » par le système immunitaire adaptatif (cette propriété est mise à profit dans le mécanisme d’action des vaccins). 

Au-delà des pathologies infectieuses, les mécanismes cellulaires et moléculaires de l’immunité sont aussi mis en jeu pour détecter et détruire les cellules transformées qui seraient susceptibles de développer des cancers. L’immunité est donc le garant de l’intégrité physiologique de l’individu tout au long de la vie. Cependant, un dysfonctionnement, par exemple une réaction de défense excessive, peut conduire à des pathologies graves de type auto-immunes accompagnées d’une inflammation chronique pouvant aller jusqu’à la destruction des tissus dans des maladies aussi différentes que la polyarthrite rhumatoïde, le diabète de type II ou encore des maladies associées à de la dégénérescence neuronale… D’où l’importance de comprendre les mécanismes fondamentaux d’activation et de régulation de l’immunité innée et de l’inflammation.

L’obtention du prix Nobel par le Professeur Jules Hoffmann, qui a dirigé un laboratoire de recherche à Strasbourg de 1974 à 2009, souligne l’importance des résultats obtenus sur un modèle génétique simple : la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster. Ainsi, en observant la réponse anti-microbienne chez la mouche, puis en analysant des mouches mutantes incapables de produire une défense efficace, le laboratoire du Professeur Jules Hoffman a identifié des protéines qui agissent comme des récepteurs capables de détecter les micro-organismes ; son laboratoire a ensuite décrypté les signaux conduisant à une réponse anti-microbienne adaptée chez certaines cellules spécialisées de l’organisme. Rappelons que le prix Nobel de physiologie et médecine de 1995 * avait déjà mis en valeur la puissance d’une démarche génétique sur la drosophile où l’analyse de milliers de mutants avait permis la découverte des gènes du développement. Dans les deux cas, la conservation évolutive des gènes, et des fonctions des protéines codées par ces gènes, entre la drosophile et l’homme a permis des retombées importantes en médecine.

Comme pour toute découverte scientifique majeure, ces recherches se sont inscrites dans un ensemble de recherches internationales et ont initié un très grand nombre de travaux à travers le monde entier, aussi bien sur la souris que sur la drosophile. Au sein de notre laboratoire, la drosophile est utilisée par l’équipe de Marie-Odile Fauvarque comme modèle pour l’étude de la virulence bactérienne, d’une part, et des signaux gouvernant l’activation de la réponse immunitaire innée, d’autre part. L’originalité des travaux menés à dans le laboratoire consiste à infecter des mouches afin de tester la virulence (aptitude à entrer et à se multiplier rapidement dans un être vivant) de souches bactériennes pathogènes pour l’Homme. Par ailleurs, l’expression de protéines bactériennes ou virales par transgenèse, directement dans les tissus de la mouche, est également une stratégie développée afin de décrypter les mécanismes d’action in vivo des facteurs de virulence. Divers pathogènes humains ont ainsi été testés sur des drosophiles afin d’étudier commodément et rapidement les interactions hôte-pathogènes sur cet organisme.

Au laboratoire, l’utilisation de la drosophile répond à des critères d’analyse à grande échelle sur le vivant, mais également à des critères éthiques d’utilisation de modèles non-mammifères dans la mise en œuvre de stratégies pionnières pour comprendre et soigner le vivant. Souhaitons que ce prix Nobel de physiologie et médecine 2011 favorise encore la montée en puissance de cet organisme modèle à l’échelle internationale.
*EB Lewis, C Nusslein-Volhard et E Wieschaus ont reçu le prix Nobel de médecine en 1995 pour la mise en évidence de gènes régulateurs du développement embryonnaire chez la drosophile.

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