La miniaturisation d’automates d’analyse sous la forme de laboratoires sur puce permet d’augmenter la sensibilité des détections et de paralléliser les réactions chimiques tout en réduisant les volumes des solvants ainsi que la quantité de principes actifs employés. Les échantillons de quelques nanolitres à quelques picolitres sont néanmoins très sensibles aux phénomènes de contamination et d’adhésion aux interfaces.
C'est pour ces raisons que le laboratoire en lien avec le Grenoble Génie Électrique de l'École d'ingénieurs pour l'énergie, l'eau et l'environnement (G2εlab de l'Ense3) et l’Institut Néel (CNRS) développent une technique de manipulation sans contact appliquée entre autres à des gouttelettes en suspension dans l’air
[1-3]. Comme la majorité des matériaux présents sur la terre, les gouttelettes d’eau sont des objets diamagnétiques : elles s’aimantent faiblement dans la direction contraire au champ magnétique excitateur. Lorsque celui-ci est non-uniforme, les gouttes sont repoussées vers les zones de faible champ magnétique faible. Obtenue par des micro-aimants, cette force magnétique compense le poids de microgouttes (30-40 µm de diamètre) donnant lieu à leur lévitation dans des « puits magnétiques » (Figure 1)
[1, 2].
Figure 1 : Lévitation de microgouttes dans l’air
A) sur des aimants massifs de NdFeB gravés par électroérosion, et
B) sur des microaimants de NdFeB.
[1, 2].
La lévitation diamagnétique permet ainsi de positionner les gouttes de manière stable. Toutefois, ces chercheurs souhaitent introduire de nouvelles possibilités de mélanger, de doser et de caractériser les molécules présentes dans les gouttes en lévitation en maîtrisant leur déplacement horizontal
[3]. À cet effet, ils envisagent d’utiliser le phénomène de
diélectrophorèse qui permet, par la présence d’un champ électrique non-uniforme, de polariser la goutte et la déplacer selon son gradient. Le champ électrique est obtenu par une rangée de micro-électrodes traversant le puits magnétique (Figure 2).
Les forces diélectrophorétiques ont été modélisées numériquement au Département micro-Technologies pour la Biologie et la Santé du Leti avec
Pascale Pham (STD/LE2S). Les simulations montrent la possibilité d’obtenir des vitesses d’actionnement significatives de 100 µm.s-1 sans échauffement significatif. Les dispositifs sont actuellement en cours de fabrication avec le Laboratoire des Technologies de la Microélectronique du CNRS : les électrodes sont gravées sur une lamelle de verre séparée des micro-aimants par une couche épaisse de silicone (Figure 2).
Cette technique novatrice pourrait à l’avenir ouvrir la voie à une nouvelle technique de
microfluidique digitale sans contact permettant de s’affranchir sinon de diminuer considérablement les problèmes de contamination.
Puits magnétique : Position où la force de répulsion diamagnétique compense de manière stable le poids de la goutte.
Diélectrophorèse : Force s’appliquant à tout objet électriquement polarisable soumis à un champ électrique non-uniforme.
Microfluidique digitale : Ensemble des techniques de manipulation de gouttelettes.